Midi de l’urbanisme | Des espaces publics à désirer

Le renforcement des centralités urbaines et rurales constitue un fondement du développement territorial. Il nous invite à régénérer le désir d’y habiter, passant par la réhabilitation des urbanisations existantes et la consolidation des dynamiques socioculturelles et économiques.
Dans cette stratégie, un ingrédient sera incontournable : celui des espaces publics.
Comment ré-enchanter nos espaces publics, les rendre animés, attractifs et en faire un élément incontournable pour rendre nos centralités désirables ? La question de l’attractivité des espaces publics était au centre des discussions de ce Midi de l’urbanisme.
En compagnie de trois intervenants, nous avons exploré les conditions à remplir pour transformer les espaces publics et en faire des atouts au service de la qualité de vie de nos villes et villages.
Cet enjeu s’inscrit dans le cadre de notre thématique de travail de cette année. La question de la réhabilitation/ré-habitation de l’espace public étant au centre des débats. Surtout quand on connaît les ambitions du Schéma de développement du territoire (SDT) d’intensifier les centres. Un objectif qui ne sera pas atteint sans espaces publics attractifs et qualitatifs.
Nos trois intervenants ont tour à tour évoqué les points cruciaux pour faire de nos espaces publics des lieux attractifs pour tous en évoquant les aspects de mobilité, d’environnement, d’identité, mais aussi la mobilisation politique ou encore la concertation de la population.
Tour d’horizon des enseignements de ce Midi
Boris Nasdrovisky, manager régional Mobilité Active au Service public de Wallonie (SPW), est le premier à avoir pris la parole. Il a rappelé le lien essentiel entre mobilité et espace public et a soulevé quelques points clés pour parvenir à faire de l’espace public un lieu tant de déplacement que de séjour.
« Dans une politique de mobilité, la question des quartiers apaisés est essentielle. Nous visons l’augmentation de la part des modes actifs (marche et vélo) pour les courtes distances. Nous souhaitons offrir des alternatives à la voiture individuelle et encourager les déplacements à pied ou à vélo. Nous vivons dans des territoires qui sont accessibles. Et ces quartiers apaisés sont un levier pour y parvenir. »
« L’aspect santé est essentiel sur ce point. Nous devons bouger plus. C’est un enjeu vital. Offrir des espaces publics de qualité dans lesquels nous pouvons nous déplacer, séjourner et respirer un air plus sain est un atout important pour la santé. Des quartiers apaisés permettent cela. »
« Diminuer l’emprise de la voiture libère un espace incroyable et permet d’offrir de nouvelles possibilités. Diminuer la vitesse de circulation dans les espaces publics rassure les gens, diminue fortement le risque et la gravité des accidents et permet d’apaiser ces espaces. »
« Pour le reste, il est surtout important d’animer l’espace public. L’infrastructure ne suffit pas. Il faut réfléchir à la manière dont les piétons peuvent prendre possession des espaces publics. »
Il nous cite l’urbaniste Jan Gehl qui fixe trois ambitions pour un espace public de qualité : il doit être protecteur, procurer du plaisir et du confort. Boris nous interpelle ainsi sur l’importance d’amener des aspects ludiques dans les espaces publics. À titre d’exemple, il nous cite la proposition de placer des balançoires aux arrêts de bus ou encore de jouer avec les couleurs.
Christophe Mercier est architecte au sein du bureau d’étude Suède 36. C’est aussi un adepte du processus de concertation citoyenne. Il est venu présenter quelques exemples marquants de réaménagement d’espaces publics en Wallonie et à Bruxelles. L’occasion de souligner l’importance d’ancrer l’aménagement dans l’identité des lieux, de répondre aux enjeux climatiques et de mener une concertation au bon moment, sur base d’une volonté politique engagée.
« Il faut développer des espaces publics pour tous. Cela parait évident mais c’est loin d’être le cas tout le temps. Les espaces publics, et notamment les espaces de jeux, sont souvent discriminants. La question du genre est trop peu prise en compte. »
« Quand nous aménageons des espaces publics, nous nous inspirons des matériaux locaux. Notre travail à Saint-Hubert est un bel exemple en la matière. Cela nous permet de ne pas créer des espaces artificiels, avec du matériel que l’on retrouve dans les catalogues. Nous dessinons le mobilier, et même des abribus, avec des matériaux que les gens reconnaissent. »
« Les places minéralisées sont une erreur sans nom. Or, avec un simple travail du sol nous pouvons déjà faire beaucoup. Nous savons que les habitants souhaitent avant tout davantage de végétation et d’espaces enherbés. En espaçant quelque peu les pavés pour laisser passer la végétation, cela change complètement la donne. Les gens réclament également de la couleur. »
« L’espace public reste toujours victime de vandalisme. Il faut penser l’aménagement en intégrant cette donnée, sans rejeter une catégorie de la population. Mais il est vrai qu’aménager un espace public reste compliqué sur cet aspect. Dans un quartier de Bruxelles, nous avons par exemple créé un “arbre à paniers de basket”, ce qui empêche certains de s’approprier exclusivement l’espace et qui permet à d’autres de découvrir ce sport de manière ludique. »
Avec Emmanuel Delsaute, échevin à Gembloux, nous nous sommes intéressés à la manière dont une commune peut réhabiliter ses espaces publics en intégrant leur aménagement dans l’ensemble de la dynamique de rénovation urbaine et en prenant soin de nourrir un dialogue avec les commerçants et riverains.
« Nous allons évoquer la transformation de la place de l’Orneau, qui a été un parking pendant de nombreuses années. Les travaux ont duré un an et ont coûté 1,6 million d’euros. Ces travaux font partie d’une série de douze projets du schéma directeur de rénovation urbaine qui permettra de donner à Gembloux un nouveau souffle. Dans ce projet, nous sommes passés de 54 places de parking à un espace de rencontre offrant une esplanade pour le marché et autres activités, des places de parking, un dépose-minute. Une évocation de l’Orneau est aussi présente dans l’aménagement. »
« La place est devenue un espace partagé, un espace de convivialité, un espace de réappropriation. Et notre ville en avait bien besoin. Nous avons très vite vu des gens prendre possession de la place dès son ouverture. Notons qu’il faut toujours laisser la possibilité pour des adaptations et des évolutions. Ce qui est conçu dans les bureaux, en 3D, est une première étape mais il faut permettre un temps d’usage et admettre d’inévitables ajustements. Pour cela, nous observons l’appropriation du lieu et restons à l’écoute. On peut néanmoins d’ores et déjà affirmer que l’aménagement de la place de l’Orneau apporte une incontestable plus-value pour la qualité de notre ville et pour sa dynamique commerciale. »