Midi de l ’urbanisme | Le commerce reste-t-il incontournable pour dynamiser nos centres ?

« Le commerce reste-t-il incontournable pour dynamiser nos centres ? » était la question posée lors de notre Midi de l’urbanisme du 10 mars 2023 à Louvain-la-Neuve. Peut-on se passer du commerce dans les centres ? Doit-il prendre de nouvelles formes ? Est-ce incontournable pour contrer l’étalement urbain ?… Autant de questions débattues avec nos quatre invités en croisant les regards du juriste, de l’aménageur, du consultant en dynamique commerciale et du développeur de projet immobilier commercial.
François Boon, juriste spécialisé dans l’accompagnement juridique et administratif de projets immobiliers, CEO de 2Build Consulting a débuté le tour de table en nous exposant brièvement son analyse des effets des outils juridiques en place et en formulant ses vœux pour la réforme à venir.
En effet, c’est avec prudence qu’il faut, en date de mars 2023, parler de réformes en matière commerciale. Si la réforme est lancée, elle est loin d’être aboutie et devra encore franchir plusieurs étapes décisionnelles avant d’être actée définitivement.
En rappelant l’énoncé des textes gouvernementaux préalables à la réforme, notre orateur confirme la volonté politique de questionner la fonction commerciale et de la considérer pleinement comme vecteur d’une dynamique des centres renouvelée. L’occasion aussi de démontrer ce qui est, pour lui, une inefficacité, à tout le moins, un dysfonctionnement de l’outil « permis intégré », notamment dans la difficulté de faire converger les regards du FIC (fonctionnaire des implantations commerciales) et du FD (fonctionnaire délégué) autour d’une vision coordonnée du territoire. Et de pointer l’inaptitude à rencontrer les objectifs initiaux qui visaient la lutte contre les cellules vides et les chancres commerciaux.
Le SDT (schéma de développement du territoire) tout comme les lois environnementales s’emparent de la question du commerce. Pour autant, le caractère multiforme de l’acte de commercer semble échapper au législateur. À cet égard, il ne faut pas voir les « formes physiques » que prennent les commerces (centres commerciaux vs commerce de détail de centre) comme unique sujet d’accusation. Il faut également tourner le regard, selon notre orateur, sur les logiques spéculatives des propriétaires ou encore sur le manque d’investissement dans les espaces publics.
Face à ces constats, les vœux formulés nous révèlent le principe de discrimination positive qui verrait une facilitation pour l’installation et la transformation des commerces en centralités, une clarification attendue des termes permettant de lever une insécurité juridique ou encore la souplesse et la flexibilité actées dans les actes administratifs, par exemple sous forme « de permis d’innover ».
Yves Hanin, sociologue et urbaniste, directeur du CREAT, Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale de l’UCLouvain, a partagé ensuite sa lecture des défis auxquels la société en général doit répondre – enjeux climatiques et autres – et la conscience grandissante de ceux-ci, combinée à la grande difficulté de trouver les moyens pour les relever. Une chose semble être évidente : il nous est nécessaire d’opérer un basculement et d’ancrer la sobriété dans nos modes de vie, en général, et dans la fabrique urbaine, en particulier.
Poser la question du commerce en centralité revient à questionner les modalités du « vivre heureux » en centralités, de développer des ambiances urbaines bien plus que de satisfaire à un modèle économique. Poser la question du commerce invite à modeler nos démarches d’aménagement en refondant notre approche contextuelle. Nous inviter à retrouver ce fondement de la pratique d’urbaniste est une réelle invitation à réinventer la civilité.
Après ce regard large, ce fut la présentation de François Honoré, CEO de GeoConsulting, une agence de conseils geomarketing qui accompagne les opérateurs publics et privés qui souhaitent développer des projets immobiliers. Ce dernier nous a exposé trois raisons pour lesquelles le commerce a un avenir dans nos centralités. Il évoque ainsi le caractère par essence multifonctionnel des centres et la part que le commerce joue dans ces synergies. Un deuxième point est de rappeler le vecteur social que constitue le commerce, d’autant plus dans un territoire vieillissant comme le nôtre. Et de conclure avec la nécessité de « rebâtir la ville sur la ville » et d’attirer les habitants dans les centres en offrant les aménités nécessaires dont le commerce.
À la question du « comment rendre nos territoires attractifs ? », il énonce en préliminaire plusieurs constats : une dispersion commerciale importante, une vacance commerciale importante combinée à la modification de l’appareil commercial et, enfin, le constat d’une multiplicité de consommateurs et la nécessité d’intégrer la diversité de leurs comportements en matière de commerce.
Parmi les solutions évoquées, la relocalisation de l’appareil commercial dans un périmètre de centre établi et acté, solution qui s’énonce comme élément de réduction des risques d’investissement et d’une efficacité des moyens publics d’accompagnement. À cet égard , des primes de relocalisation et de reconversion de cellules vides ou encore une facilitation des opérations de remembrement des cellules sont évoquées. S’en suit l’approche transversale des politiques urbaines accompagnée d’un marketing urbain renforcé. Et de conclure en précisant que, plus aujourd’hui qu’hier, le commerce doit offrir une « expérience clients » qui différencie de l’acte d’achat à l’acte de commercer.
Pascal Seret, développeur du Tubize Outlet Mall pour DCI Monaco, a clôturé notre conférence en exposant les grandes lignes du projet qu’il développe à Tubize sur le site des forges de Clabecq. Plus de 11 ha seront dévolus à un quartier accueillant 800 logements et près de 18 000 m2 de commerces, dont 4000m2 dit de proximité. L’ambition est d’y développer un quartier habité « sans voiture », à proximité des nœuds intermodaux. Une occasion pour lui de renforcer la centralité de Tubize.